novembre

Las Palmas


Nous sommes maintenant à Las Palmas, Gran Canaria, qui ne présente pas beaucoup d'intérêt mais le Furibard a besoin d'un petit check avant la transat et le Sine Saloum...L'ambiance à la marina est assez étrange et nous nous y sentons un peu de trop (du reste le personnel de la marina, plus qu'odieux, ne manque pas de nous le faire savoir). En effet, la plupart des bateaux se préparent pour le rallye de l'ARC : on s'affaire sur les pontons, on peaufine ses voiles, son matériel électronique, ça discute course...Beaucoup de jeunes, plus ou moins sérieux, errent à la recherche d'un embarquement...les bateaux se parent de guirlandes avec les drapeaux de tous les pays participants, ce qui est plutôt chouette et contribue fort heureusement à égayer cette marina plutôt tristounette.   

Nous avons voulu avoir une autre vision de Las Palmas que celle de ces horribles buildings du front de mer et profitons du dimanche où les shipshandlers sont fermés et où les mécaniciens se reposent pour aller nous balader dans la vieille ville, à 1 heure à pied de la marina (je vous laisse imaginer les soupirs contestataires de Solène!). Ce n'est pas l'extase mais il y a quand même quelques villas anciennes sympas, notamment la maison où Christophe Colomb séjourna en 1492, avant son départ pour le nouveau monde. Manque de chance, le musée ferme à 15 heures, juste quand nous arrivons. 

A l'attention de Michel, notre fidèle lecteur : sache que nous profitons de cette escale pour tester tous les supermarchés locaux et pouvoir ainsi tenir  un siège de plusieurs semaines. Les caissières nous regardent ébahies lorsque nous leur demandons de livrer au bateau les trois caddys bourrés à craquer. Du reste, de façon générale, nous devenons des pros des centres commerciaux espagnols et insulaires. Nous songeons même à écrire un guide documenté. Allez, ne sois pas trop jaloux!

Prochaines news lorsque nous partons pour Dakar (fin de semaine?). A bientôt donc...

Pasito Blanco. Gran Canaria


Les réparations prennent malheureusement plus de temps que prévu car les paquets contenant les pièces défectueuses du moteur sont bloqués en douane, à Madrid. A priori, le régime fiscal des Canaries est particulier et se faire expédier des choses  ici relève du sacerdoce. C'est que nous a expliqué Jean-Pierre, un voisin de ponton qui vit à Pasito Blanco depuis 20 ans ; à tel point qu'il lui est arrivé de prendre des vols charters pour faire des achats à Londres plutôt que de se faire livrer ici!!! Encourageant.
C'est une partie de notre voyage où nous apprenons beaucoup (à défaut de profiter des paysages et du bateau!) à être patients, à comprendre un autre mode de fonctionnement que le notre- celui d'espagnols insulaires!, à gérer les problèmes techniques avec des personnes qui ne parlent pas un mot d'anglais (mon espagnol s'améliore donc de jour en jour!). Nous sommes tous les 5 tranquilles à bord, ce qui était l'un des buts de notre voyage, nous retrouver. Alors on patiente...Demain on regagne le mouillage jusque lundi. On a décidé, avec les enfants, de prendre plein d'avance sur le CNED, de profiter d'être posés pour se reposer (beaucoup d'énergie gaspillée ces derniers jours à essayer de faire venir les bonnes pièces et à faire réparer le moteur), se baigner, jouer aux cartes...Galilea, de son côté, a poursuivi sa route vers les autres îles des Canaries pour ensuite entamer la transat. Nous les retrouverons sans doute de l'autre côté...Bon vent (dans le bon sens du terme!)

Samedi 13 novembre. On aurait eu tort de ne pas le faire!!! Nous avons loué une voiture pour découvrir Gran Canaria et avoir une autre vision de l'île que celle de la côte Est, moche et touristique. Et finalement, le centre de l'île est splendide! On se croirait dans les grands canyons aux Etats-Unis...Ce sont là les limites du bateau qui ne permet d'avoir qu'une vue tronquée d'un endroit...
Nous avons d'abord déjeuné dans un resto typique à San Bartolomé de Tiranjana, au nord du parc naturel de Pilancones : les fameuses papas arrogadas (pommes de terre ridées au mojo rojo, une sauce aux poivrons), le queso local avec le mojo verde et des vueltas (viande cuite séchée). Jean-François et Martine d'Aura (Outremer 45 au mouillage à Pasito Blanco) nous avaient déjà offert une autre spécialité culinaire  : le Biensemabe, une sorte de marmelade aux amandes broyées, un régal. 
En début d'après-midi, nous gagnons Tejeda, où se situe le symbole de Grande Canarie : le Rocher Roque Nublo, un énorme rocher monolithique de plus de 70 mètres de haut, apparu suite à une activité volcanique, avec à côté de lui un autre rocher, El Fraile (Le Frère), à cause de sa ressemblance avec un moine en prière. Nous faisons une balade jusqu'au Rocher Roque Bentayga, un lieu sacré pour les aborigènes où ils faisaient des offrandes aux dieux. Nous avons des vues extraordinaires sur le Sud et l'Ouest de l'île. Aymeric se prend pour un cow boy au milieu du grand Canyon. Nous grimpons jusqu'au point culminant de l''île, el Pozo de las Nieves qui s'élève à 1 949 mètres d'altitude ; là-haut, c'est impressionnant car nous sommes en plein brouillard d'un côté de la montagne et au soleil de l'autre. Sur la route, on se croirait parfois chez nous au milieu des forêts de châtaigniers alternant avec des forêts de pins. Celà serpente...mais personne n'est malade!
A Altenara, outre le paysage extraordinaire qui fait partie du parc naturel de Tamadaba, on découvre une église particulière, l'Ermita de la Virgen de la Cuevita, qui date du XVIIIème siècle. Tout est taillé dans la roche :  l'Eglise, l'autel, la chaire, le confessionnal et le chœur.  Sur la route du retour, de nombreuses maisons, assez mignonnes, sont creusées dans la roche.
Dernier point spectaculaire de notre périple, les dunes noires d'Aldea le long de la côte Ouest. Puis, peu après Puerto Mogan, on retombe dans les complexes touristiques...une vraie horreur!
Superbe journée avec un seul bémol : le capitaine était resté à bord, peu rassuré par l'ancrage du bateau. C'est dommage, mais il était un peu avec nous car pendant toute notre route, nous avions une radio qui ne passait que des chansons des années 80's.
Pour finir en beauté, devinez ce que nous avons mangé le soir à bord du Furibard : un welsh!!!( photo à l'appui). Non, non ce n'était pas trop lourd sous le soleil des Canaries. On a bien pensé à vous, nos copains réginaburgiens, surtout à Catherine et Christophe! 

Dimanche 14 novembre. Matinée très tranquille à bord du Furibard. On se baigne, on lit, on travaille un peu (enfin que Soazic!). Puis après avoir déjeuné avec le capitaine, on l'abandonne à nouveau ; il veut surveiller le bateau et avancer le bouquin (ne t'inquiète pas Pascal, il continue effectivement à travailler dessus!). Nous faisons le tour de l'île, à l'Est par l'autoroute en traversant tantôt des complexes touristiques tantôt des zones industrielles. Beurk....puis le Nord avec ses bananeraies, et l'Ouest, où le paysage se transforme radicalement : ce sont de hautes falaises, des petits villages colorés, avec toujours la mer d'un bleu profond tranchant avec la roche noire. Nous nous arrêtons à Agaete pour admirer le fameux "Dedo de Dios", mais hélas Dieu a repris son doigt lors de la tempête cyclonique de 2005. Les habitants ont dû être terrassés par ce qu'ils ont dû prendre pour une vengeance divine. Dommage! mais le site reste magnifique. Puis nous continuons notre route, serpentant le long des falaises. Soazic a un peu le vertige. Nous allons jusqu'au Sud, à Puerto Mogan.  Nous aurions dû nous contenter de notre première visite, le soir où nous avions retrouvé Galilea pour un dernier dîner ensemble. De jour, le port est certes très charmant mais beaucoup trop touristique et un peu surfait, les prix s'en ressentent du reste! Enfin, au moins un endroit touristique qu'ils auront quand même su rendre plutôt joli. Bref, les enfants concluent cette balade en trouvant Gran Canaria plus jolie que Lanzarote, je suis plus partagée : il a manqué ici un César Manrique! 
En retournant au bateau, alors même que je m'interroge sur le repas du soir, des pêcheurs nous offrent de beaux poissons en nous les jetant dans l'annexe ; ça frétille de partout. Vite, le capitaine abrège leur souffrance et les prépare avec l'aide de son second de pêche. Puis, nous avons toute la petite famille de Rupembert sur Skype. Celà faisait longtemps! On est tous très contents de discuter même s'ils sont devenus un peu muets. 
Je vous laisse, apéro sur Aura oblige. On croise les doigts pour que la pièce du moteur soit là demain et hop...direction le Sénégal. 



Vers Dakar


Nous sommes partis le 15 novembre à 5 heures du matin, direction Dakar.

La première journée commence plutôt bien. Le Furibard avance à 9-10 noeuds, avec un vent apparent au 140°, 20 noeuds ;
l'après-midi, le vent tombant un peu, on sort le spi quelques heures. On le rentre pour la nuit, et on poursuit notre route tranquillement, sous GV et solent, à une vitesse moyenne de 9 noeuds. On reprend le rythme et les activités des longues navigations : lecture, film, jeux de société, bracelets...mais pas de CNED! Les filles cuisinent. Aujourd'hui, ce sera les cookies de Carla. Top pour les quarts de nuit, lesquels reprennent également! J'ai toujours la même petite angoisse quand la nuit tombe : l'atmosphère est un peu pesante, voire stressante : nous sommes seuls, là au beau milieu de la mer, dans le noir. Et puis celà passe...surtout que la lune est là pour nous éclairer. J'apprécie vraiment ces moments où tout est silencieux, tout le monde dort  à bord, je suis seule à veiller, avec le Furibard. Enfin, pour le premier quart (23h-2h) car le second est un peu plus dur (5h-8h), je resterais bien au lit!

La deuxième journée est aussi tranquille que la première. Les enfants travaillent un peu ; que de l'oral pour Aymeric qui prétend ne pas pouvoir écrire. Comme la mer est un peu formée et qu'ils ne sont pas malades, je n'insiste pas. L'après-midi, on regarde "La vie est belle" de Begnigni, vraiment un film très beau. Pas de larmes chez les filles, elles m'impressionnent ; je suis la seule à pleurer ! Hier, nous avions regardé "Je vais bien ne t'en fais pas", j'avais aussi pleuré. Demain, il faudra choisir plus drôle. Le reste de l'après-midi est occupé par la pêche ; après trois prises perdues et quelques jurons, Yann et Aymeric nous attrapent un magnifique thon. Il doit bien peser dans les 8kg. En tout cas, les filets, levés (proprement!) sur la jupe du Furibard, vont nous faire 4 bons repas. Le soir, thon tatziki!  Côté Furibard, il avance de jour à une moyenne de 9 noeuds et au moment où j'écris, la nuit donc, il se traîne à 6-7 noeuds par vent arrière, uniquement sous GV (le spi, la nuit, on évite). Enfin, avec un vent apparent de 7 noeuds, il faut admettre que c'est tout à fait honorable. La lune est toujours là et le ciel est stellé de milliers d'étoiles, on a du mal à croire que c'est le même que celui que nous avons quitté.     

La troisième journée est plus que (trop) tranquille. Le vent est complètement tombé et la mer est parfaitement calme. Le matin, nous arrivons à tenir le spi et à avancer à 7-8 noeuds mais l'après-midi, plus rien ; il faut même faire appel au vent Yanmar pendant quelques heures. Nous abordons la nuit sous GV, vent arrière, en avançant tant bien que mal à 6 noeuds. Il est vrai aussi que nous perdons un demi noeud environ avec l'hydrogénérateur que Yann a installé. Mais c'est un apport énergétique appréciable car, le soleil étant plutôt devant le bateau dans la journée, les panneaux solaires ne le captent pas suffisamment. Côté vie à bord, au programme de la journée : un festival de dauphins, plus d'un millier! Nous sommes tous à l'avant, sur le trampoline, pour assister à ce spectacle vraiment magique. Ils font sérieusement concurrence avec ceux rencontrés vers Gibraltar : ça saute de tous côtés, des petits, des gros...Ahurissant...et en plus, pendant l'heure d'histoire-Géo d'Aymeric, bien évidemment tout content d'y échapper. Aux menus du jour : ragougnasse de thon, tarte au thon. Pas de ligne à l'eau tant que le poisson de la veille n'est pas fini. 

Quatrième jour de mer et le vent n'est pas vraiment avec nous. Si nous avons pu sortir le genaker le matin et avancer à une moyenne de 9 noeuds, celà ne dure que quelques heures ; très vite nous tombons à 6 noeuds et allumons un moteur en début de nuit. Même si les journées sont plutôt reposantes, la fatigue commence à se faire sentir. Vivement une longue nuit sans interruption! Grand changement de température depuis hier; on a maintenant très très chaud même la nuit. Nous avons à nouveau eu la visite des dauphins qui, décidément, se plaisent à interrompre certains cours d'Aymeric.  Plus de thon, il va falloir pêcher demain!   

Cinquième jour de mer. Sous genaker. Le matin, on avance à 9 noeuds puis bis repetita, en début d'après-midi, le vent tombe et nous sommes à 5-6 noeuds. Aujourd'hui pas de dauphins mais 5 globicéphales, des mammifères plus gros que les dauphins, avec un gros aileron sur le dos, qui avançaient tranquillement. Des bancs de poissons volants nous accompagnent tout au long de la route. 15 heures : nous apercevons la presqu'île du Cap Vert!!!  C'est l'excitation à bord. Mais le temps de passer la pointe des Almadies, l'île des Madeleines, le cap Manuel puis Gorée, nous arrivons au mouillage du CVD de nuit ; il est 21h lorsque nous jetons l'ancre...4 jours et 16 heures pour faire les 800 milles qui séparaient Pasito Blanco de Dakar...

Dakar (21- 24 novembre)


Première journée au CVD. Enfin! Nous sommes vraiment ailleurs, totalement dépaysant. L'après-midi, nous nous retrouvons sur la terrasse du club, à l'ombre sous les arbres, avec d'autres équipages, à refaire le monde. Il y a de tout, des échoués de la vie qui sont là depuis quelques mois ou années, qui traînent, bricolent, et picolent..., il y a ceux qui se disent de passage mais qui sont là depuis des mois, sans savoir quand ils repartiront, il y a ceux qui ont vraiment fait une halte sur la route vers le Sine Saloum ou la Casamance. S'ils ont le temps, ils restent pour connaître le Sénégal (c'est le cas de ce couple qui reste à chaque escale au mois un mois pour vraiment découvrir le pays, l'idéal!)  ou s'ils sont comme nous, ils essaient de découvrir le maximum de choses en quelques jours... Du côté du mouillage, c'est un peu la même chose ...des bateaux abandonnés, enfin qu'on pense abandonnés mais non!, des quasi-épaves, des monocoques tout beaux tout neufs, des bateaux de baroudeurs où l'on trouve de tout sur le pont, un outremer (Teoula) et le Furibard. Le soir, on dîne dans un petit restaurant adorable, "le citron vert" ; on se régale d'accras de crevettes, de poulet caramel et de yassa de poulet.

Lundi 22 novembre. Tandis que les enfants restent à bord pour le CNED, notre matinée est occupée par les formalités. D'abord le commissariat du port, pour viser les passeports, puis la direction des douanes. Nous prenons donc un taxi qui nous emmène à ces différents endroits de Dakar. Malheureusement, premier aperçu de la pauvreté et de la saleté ici. On croise nombre de Goorgolu ("les débrouillards") : ce sont des vendeurs ambulants avec leur petit chariot "Nescafé" à vendre de petites choses ramassées à droite à gauche, en espérant pourvoir rapporter à manger le soir. Les rues, ou plutôt les pistes de goudron et de sable, sont jonchées de détritus ; celà grouille de monde, tous en grande discussion mais pas vraiment abattus. Partout des étalages de bric à broc, des odeurs marquées, des gens couchés à même le sol qui semblent attendre...quoi? En même temps, Dakar est une ville colorée, des boubous des femmes jusqu'aux cars rapides, tout bariolés. Dans les différents bureaux, tout est décrépi, les rideaux sales et déchirés, mais les administratifs sont très dignes, bien vêtus et empreints d'un zèle tout professionnel. Pas question de se présenter devant eux en short!
L'après-midi, on s'occupe de l'avitaillement au Casino dans le centre de Dakar. Auparavant, Sar, le chauffeur de taxi, nous montre Dakar, l'hôtel de ville, l'Assemblée nationale, la place de l'Indépendance, le palais présidentiel, la route de la corniche avec ses hôtels et restaurants... Quel contraste! avec l'autre partie pauvre de Dakar. Ce contraste, on le retrouve au retour en suivant un bus d'enfants bien habillés, en bleu et blanc, sortant de l'école...tandis que, sur les trottoirs, des enfants en haillons traînent... J'explique aux enfants que l'un des drames du Sénégal aujourd'hui est la présence de marabouts, auxquels les parents donnent, sans contrepartie, leurs enfants, pour qu'ils reçoivent une éducation coranique. En réalité, ces marabouts exploitent les enfants, appelés les talibés, les faisant mendier dans la rue et les fouettant s'ils ne rapportent rien.     

Mardi 23 novembre. Nous prenons la chaloupe pour Gorée. Dès notre arrivée, nous partons à la recherche de la maison où Mireille a vécu lorsqu'elle était petite. Nous la trouvons bien vite, avec ses couleurs rouges chatoyantes, mais un peu passées. C'est devenu la "maison des mutants", du nom du cercle de réflexion qui y séjourne ...Bientôt, ce sera un club de plongée (pas mal non plus). Yann est assez ému, et fier, de raconter à ses enfants que sa grand-mère a vécu là; du reste, ils sont contents de découvrir cette maison qui a dû être splendide. Nous visitons le Fort de Gorée, devenu par la suite une prison jusqu'en 1976. Notre guide est fantastique et même s'il nous raconte l'histoire de Gorée en plaisantant, on ressent bien la gravité de ses propos. Gorée a été l'objet de la convoitise de nombre de pays, les portugais, les hollandais, les anglais puis, finalement après des périodes de guerre, les français, en 1814. L'histoire de cette île, île martyre, est surtout marquée par la traite des nègres : jusqu'en 1807, année de l'abolition de l'esclavage par les anglais (il faudra attendre 1848 pour que les français suivent), Gorée a servi d'entrepôt d'esclaves. Nous visitons une des esclaveries de l'époque, la "maison aux esclaves", une grande demeure construite au XVIII siècle par une célèbre signare, Anne Pépin. C'est l'occasion d'expliquer aux filles le rôle de ces femmes, personnages marquants de la société de l'époque : des mûlatresses, maîtresses des gouverneurs et autres personnages blancs importants, et qui possédaient servantes et esclaves. La maison aux esclaves  abritait de 100 à 200 esclaves, avant leur passage par la porte du non-retour. On passe de la cellule des enfants, à celle des jeunes filles, à celle des récalcitrants... Toutes aussi humides et mal aérées, en comparaison avec le logement des maîtres à l'étage. Je regarde le visage de mes enfants et je sens bien qu'il se passe des choses dans leur tête. Tant mieux. Les lieux parlent d'eux mêmes, il n'y a pas grand chose à ajouter.
Gorée est une île assez magique, pleine de couleurs en dépit d'une histoire tragique; les artistes proposent leurs oeuvres tout au long des ruelles, jusqu'à l'ancien fort français qui surplombe le Sud de l'île. Là, vivent les "illuminés", les artistes de Gorée qui, grâce à une colle magique, fixent toutes sortes de métaux récupérés. L'un d'eux, Bocoum Diop, nous explique son art et nous lui achetons un souvenir de Gorée, pour Mireille... 
Le soir, Laurent, un copain que nous n'avions pas revu depuis 7 ans et qui travaille à l'ambassade, vient nous rendre visite. Une nouvelle occasion de refaire le monde...En tous les cas, une de ces soirées que nous garderons parmi nos supers souvenirs de voyage.

Mercredi 24 novembre. Quelle journée éprouvante mais riche! Nous avons rendez-vous à 10 heures, place de l'Indépendance avec Moustafa Diouf, l'instituteur de Djirnda et Matar, celui de Moundé. Ils arrivent tout sourire, après avoir fait un long trajet pour gagner Dakar depuis leurs villages. Nous allons tous à la librairie des quatre-vents pour faire les achats de manuels scolaires et de fournitures nécessaires à Moustafa. La librairie est assez fantastique; on y trouve même le Vernimmen en nombre d'exemplaires! Du reste, le directeur de la librairie sera tout content de discuter avec Yann. Pendant que Moustafa et Matar réfléchissent à leurs achats, les enfants parcourent les rayons papeterie et livres, trop contents de trouver un ou deux nouveaux bouquins pour la suite du voyage. Ensuite, nous partons à la recherche d'une trentaine de cartables, pour les élèves de Moustafa et pour les instituteurs. Les prix étant trop élevés dans les magasins, nous nous rendons au marché Sandaga. Et là, nous passons de boutiques en boutiques (ou plutôt de petites échoppes faites de planches de bois), de tractations en tractations ; c'est très amusant de les écouter négocier en wolof, il n'y a pas que les européens à qui l'on propose d'emblée des prix trop élevés! C'est la méthode de commerce ici. Puis, direction le coin des meubles dans le marché. Heureusement que des jeunes de la rue nous guident pour trouver le marchand car ce ne sont que dédales et enfilades de boutiques-capharnaums. Cette fois, c'est Matar qui doit acheter pour son école de Moundé deux tables et deux chaises. La discussion est longue mais il obtient finalement satisfaction. Maintenant, il faut ramener tout celà au bateau! Pas de taxi classique mais ce qu'ils appellent un taxi-bagages, en fait une vieille camionnette toute cabossée qui  menace de tomber en panne à chaque saut sur la piste. Là c'est moi qui doit négocier pour passer de 17 000CFA (exorbitant) à 6000CFA! Yann et les enfants ont pris un taxi pour le CVD, je les rejoins dans l'antiquité avec Moustafa et Matar, recroquevillés à l'arrière avec les meubles. Epique! Au retour sur le Furibard, après avoir casé les meubles le long de la table du carré, tout le monde se repose. Aymeric a prêté sa cabine à Moustafa et Matar qui sont tout heureux d'embarquer.   
Le soir, nous dînons de fajitas, une première pour nos hôtes. Moustafa ne se sent pas très bien (mouillage légèrement rouleur?) mais lorsque nous levons l'ancre à 21h, ils sont tous les deux sur le pont, excités et attentifs. Matar est très curieux et pose plein de questions sur les manoeuvres. Pour sortir de la baie de Dakar, il m'aidera à l'avant à déjouer les nombreux filets de pêcheurs, difficiles à repérer. Voilà, tout le monde dort, nos deux invités ayant préféré les banquettes du carré à la cabine. Il est 2h, je suis de quart et on avance tranquillement  à 5-6 noeuds (avec un vent un peu capricieux) en essayant d'éviter les pirogues peu éclairées, vers la passe de Djiffer...

   

Le Sine Saloum

1er jour à Djirnda


Jeudi 25 novembre. Nous arrivons au petit matin à la passe de Djiffer, point d'entrée dans le Saloum. Nous avions calculé notre passage en fonction de la marée, qui doit être montante. Depuis deux heures, tout le monde est sur le pont à repérer les filets de pêcheurs, peu visibles et disséminés un peu partout. Heureusement, Matar avait l'oeil.
Nous avançons prudemment le long de la mangrove, dans les bolongs, jusque Djirnda. Peu avant la passe vers Djirnda, je suis à la barre, le sondeur indique d'un seul coup 1m30, 1m20, 1m 10...et ça continue de descendre. Marche arrière toute! on s'est fait une petite frayeur! Le mouillage devant Djirnda n'est pas évident, il faut calculer l'évitement et surtout la marée. Alors que nous ancrons, on voit s'avancer le long de l'embarcadère une nuée d'enfants accompagnés d'adultes. Les chants montent, l'émotion aussi. Moustafa ne tient plus en place, nous non plus d'ailleurs. Nous descendons l'annexe et approchons... Les cris, les battements de mains, les chants, les larmes... Un accueil, la fameuse "teranga" sénégalaise, que nous n'oublierons jamais! (Une petite pensée pour maman qui nous avait raconté l'accueil chaleureux des habitants du Sine). 
Sur l'embarcadère, jusque l'école, les enfants sont "happés". Aymeric est tout intimidé ; partout, des cris "toubabs, toubabs" (ce sont nous, les blancs)...Nous gagnons l'école et la classe de Moustafa Diouf. Le directeur, Michel...Diouf (pour ceux qui ont suivi Teoula! petit rappel : ils s'appellent tous Diouf), fait un discours de remerciements, spécialement pour vous les enfants de Notre Dame, et bien sûr pour VSF. Tout le matériel est déballé; les enfants découvrent leurs cartables, cahiers, livres. On échange un regard avec Yann,  on sait bien que ce n'est pas grand chose...Il y a tellement à faire ici. Mais ces gestes améliorent leur quotidien, et surtout, Moustafa en est convaincu, ce matériel motive les élèves. On découvre cependant qu'ils ne vont pas tous à l'école élémentaire ; certains vont dans les écoles coraniques, et d'autres traînent dans le village et n'auront jamais d'instruction (10% me dit Moustafa). Nous allons ensuite dans les autres classes, voir le puits de l'école, la cantine...qui ne fonctionne pas depuis la rentrée, car aucune vivre n'est arrivée! Il nous montre la classe du nouvel enseignant, qui mériterait une réfection pour éviter de tomber en ruine...
L'après-midi, après une petite sieste à bord, nous retrouvons la classe de Moustafa. Les enfants échangent...Soazic et Solène sont envoyées au tableau pour résoudre quelques opérations mathématiques. Les élèves nous récitent des chansons et des poésies (Moustafa nous autorise à les filmer, il en est même très fier! ...à venir).. Aymeric récite une fable de la fontaine, qu'il vient d'apprendre : le loup et l'agneau. Les filles avaient préparé des crêpes à bord, que nous leur faisons goûter. On leur explique quelques traditions françaises. Moustafa écrit la recette au tableau car les ingrédients sont simples et disponibles dans le village (sauf le lait qui est en poudre).
Puis Moustafa nous emmène dans le village...jusqu'à la mosquée, le collège, l'antenne électrique, la place du village. Il nous montre le groupe électrogène et nous explique que le village est pourvu en électricité de 14h à minuit. Il nous présente à l'équipe enseignante du collège, avec laquelle nous prenons un thé, l'ataya (si mes souvenirs sont bons). Je suis frappée par le nombre d'enfants dans les rues et par le nombre de ceux qui jouent au foot. Partout dans le village, dès que le lieu le permet, il y a un match. Le ballon apporté en cadeau par Aymeric était le bienvenu!  On croise au cours de la promenade, poules, ânes, moutons ...et bien sûr nous sommes nous aussi objets de curiosité..." toubabs, toubabs".
Epuisés, émotionnellement et physiquement, nous regagnons le Furibard. Il faut dire aussi que la chaleur écrasante et le dépaysement, total, nous ont vidé de toute énergie.     





        

2ème jour à Djirnda


Vendredi 26 novembre. Les enfants sont allés à l'école ce matin, pendant que je rangeais le bateau et que Yann trifouillait ses moteurs...et toujours le bouquin... Nous les rejoignons à la sortie des cours à 13h. Ils nous racontent leur matinée : distribution des fournitures, problèmes pratiques de mathématiques. Ils sont surpris qu'à la récréation de 11h, les enfants rentrent chez eux pour une demi-heure. Du coup, les filles accompagnent une petite sénégalaise dans sa maison, qu'elle partage avec d'autres familles, pendant qu'Aymeric joue au foot dans la cour de récré.
Moustafa  nous invite pour le déjeuner. Nous goûtons le fameux plat traditionnel, le tiboudienne, à base de riz concassé épicé, d'aubergines douces et amères, de manioc, de carottes, d'oseille et de poissons. Les enfants adorent. On mange à la sénégalaise, tous dans le même plat. Nous pensions manger avec les mains, ce qui ne nous aurait pas dérangé, mais ils ont apporté des cuillères. Après le repas, Moustafa nous prépare leur fameux thé, ataya. Ici, on prend son temps...nous sommes à l'ombre et tout se déroule... lentement...La chaleur, très supportable le matin, est vraiment écrasante l'après-midi. Promenade dans le village, avec toujours le ballon au pied d'Aymeric et une nuée d'enfants autour de nous.
En fin d'après-midi, nous accueillons l'équipe enseignante à bord du Furibard, pour prendre un verre de coca ou de jus de fruits. Moins épuisés que la veille (on commence à s'adapter!), on dîne d'une pizza maison puis gagnons, sans grande difficulté finalement, nos couchettes!

Les enfants n'allant pas à l'école le week end, nous quittons demain Djirnda pour gagner Moundé, un autre village du Saloum où Matar et sa classe nous attendent. La mission VSF à Djirnda est donc finie. Mille mercis à tous ceux qui ont contribué à son succès, particulièrement aux généreux donateurs, aux enfants de la classe d'Anne et d'Isabelle, à M. Castille et à Mme Giry. Merci à VSF, particulièrement à Max, Nathalie, et Gwen du partenariat scolaire : ce que vous nous avez permis de vivre ici était unique. Les moments que nous venons de passer resteront gravés dans notre mémoire : pour les enfants, c'est un souvenir précieux.     


4ème jour vers Toubacouta


Que la vie est tranquille et simple ici! Nous nous endormons au son des tams tams au loin et nous nous réveillons au chant des oiseaux, seuls au monde...Nous décidons de gagner Keur Saloum, sans refaire le grand tour, en traversant au coeur des villages, et donc à travers un véritable labyrinthe de bolongs étroits. A croire que le capitaine aime se faire peur! C'est du reste réussi. On frôle parfois les 0,80 au sondeur. Pendant que Yann a les yeux rivés sur celui-ci, je regarde la carte papier et essaie de deviner les bancs de sable. Le paysage est magnifique, partout la mangrove; hormis les quelques barques multicolores croisées de temps en temps, pas grand monde sur l'eau! Les pêcheurs sont adorables ; ils nous font parfois des signes nous indiquant où passer pour éviter l'échouage. Un minaret surgit au détour d'un bolong nous indiquant la présence d'un village : Tialane, Bassar, Diogane...Cette navigation fluviale africaine est vraiment une expérience assez géniale, à la fois sympa grâce à la teranga des habitants et aux paysages, mais aussi inquiétante (la nuit surtout avec de drôles de bruits) et dangereuse (le courant, les bancs de sable...)
Nous arrivons, sans échouage, à Toubacouta en milieu de journée. L'endroit est vraiment très beau et calme. Le Furibard est ancré devant l'hôtel Keur Saloum, où nous profitons de la piscine et des services. 


3ème jour à Moundé


Samedi 27 novembre. Nous retrouvons une dernière fois Moustafa qui nous apporte les lettres des élèves de sa classe pour celle d'Aymeric, à Notre-Dame. Elles sont très touchantes : tantôt ils ont écrit une poésie ou un chant, tantôt des mots de remerciements dans leur style bien à eux. Nous quittons Djirnda pour l'autre village du partenariat scolaire, Moundé.
Très difficile et stressante la navigation dans le Saloum. Yann est collé à son sondeur et à la carte papier...les cartes GPS étant archi fausses. Nouvelle expérience d'une marche arrière toute quand nous frôlons les 0,9m au sondeur. En fait, il y a des "vasières" un peu partout et la technique consiste à prendre l'extérieur des virages dans les bolongs. Mais même le sachant, on se fait quelques frayeurs... Nous mouillons à l'entrée du bolong étroit qui mène à Moundé. Premier voyage en annexe avec les meubles, épique. Matar m'attend de pied ferme avec la charrette. Je retourne chercher le reste de l'équipage, la balade est bien agréable au milieu de la mangrove...
Matar nous accueille toujours aussi chaleureusement, avec ses élèves qu'il a spécialement fait venir pour nous. Partout, on entend des "hello, hello", influence de la proche Guinée. Moundé est un village verdoyant, qui cultive l'arachide, le rônier, l'oseille, le mil...Aymeric décrit tout celà plus en détails dans son blog, à l'attention de ses camarades d'école ; nous avons aussi sélectionné des photos...Dans l'école de Matar, faute de place et de moyens, ils viennent de construire une nouvelle classe avec des piquets de bois, des sacs en toile de jute, et des feuilles de rôniers pour le toit.  Aymeric trouve que c'est joli...certes, mais quand la mousson sera là...
Nous partons en charrette, moyen de locomotion local (ils les appellent les calèches!), jusqu'au village de Siwo ; nous traversons des bolongs à marée basse et rencontrons quelques chacals...L'accueil par les enfants de là-bas est ahurissant. Ils se battent entre eux pour nous donner la main et nous escortent tout au long de notre balade. Nous découvrons "l'usine"' de fabrication du poisson séché, mise en place matériellement et financièrement par la Guinée, mais dans laquelle travaillent les habitants de Siwo. Bientôt, tous les enfants se retrouvent dans l'immense baobab, au centre du village.
De retour à Moundé, nous déjeunons avec Matar et deux autres enseignants, toujours le fameux tiboudienne, aussi délicieux que celui de la veille. Un "sage" du village nous rend visite; il adore les photos,  alors nous le prenons et la faisons ensuite tirer sur le bateau. Après quelques parties de jeu de dames avec Matar, nous regagnons l'embarcadère, chargés de présents : oseille, pains de singe, panier en rônier, arachide...Sur le chemin, des enfants de la classe de Matar, grimpés tout en haut d'un rônier, nous en offrent le fruit ; des femmes nous donnent des arachides, tout juste récoltées. Pour remercier Matar et ses collègues de cet accueil si chaleureux, nous les invitons à bord du Furibard, prendre un verre. Ils en sont ravis et repartiront avec une photo, très fiers.   


  

5ème et 6ème jour. Keur Saloum


On se ressource à l'hôtel Keur Saloum, notamment avec de bonnes douches longues ! Je profite également pour faire quelques lessives, celà devenait nécessaire. On préfère ne pas utiliser le desal. dans le fleuve, et donc on économise l'eau du bord ! L'hôtel est un centre de pêche tenu par des belges très sympathiques. En cette saison, il n'y a quasiment personne. Tous les jours, les pirogues partent au petit matin...c'est à celui qui rapportera le plus gros poisson. Yann et Aymeric se précipitent à leur rencontre lorsqu'ils reviennent de la pointe Jackson. Aujourd'hui, ils ont pêché pas moins de 13 barracudas!
Le matin, CNED et rattrapage des derniers jours. L'après-midi, on profite de la piscine et on se balade dans le village. En réalité, il est bien différent des précédents villages ; ici, tout est tourné autour du tourisme et ce ne sont que boutiques de souvenirs. Tout est à bon prix à les écouter, bien sûr...mais surtout ne pas dire le prix obtenu en sortant de la boutique...c'est un secret!  Toute une technique de vente, un peu lassante...mais c'est le jeu. 
L'hôtel est vraiment agréable. Les enfants se sont faits une copine, Margaux, qui ne les lâche pas. Ne sois pas jalouse Candy, tu leur manques beaucoup...Les propriétaires ont décidé de mettre au menu des plats de chez eux : étonnant de manger du pot-au-feu et du waterzoï en plein Sine Saloum!